top of page

Le cinéma en plein air : évolution et renaissance

Photo du rédacteur: Jean St-AmantJean St-Amant

DOSSIER /


À la veille de notre 2e édition du Cinéma sous les étoiles (le film Kuessipan, projection le 23 juin dans notre cour arrière), j'ai pensé vous présenter un dossier sur l'évolution du cinéma en plein air depuis l'invention du cinématographe en 1895 par les frères Lumières jusqu'à aujourd'hui.



Cinémas itinérants


Saviez-vous que la toute première projection cinématographique intérieure en Amérique du Nord a eu lieu à Montréal dans l'Édifice Robillard en 1896? Cet édifice patrimonial, situé sur le boulevard St-Laurent juste au nord de l’avenue Viger, a malheureusement brulé en 2016.


Les projections en salle à Montréal ont été plutôt rares dans les premières années de 1900, les séances se déroulant surtout en plein air avec des projectionnistes ambulants dans des parcs d’attractions comme Sohmer, Dominion ou encore Riverside (page web de Héritage Montréal, « Histoire des cinémas de Montréal »). À cette époque, il était possible de montrer que des films (en fait, des photographies vivantes) d’une durée maximale d’une minute.


Des films étaient projetés en plein air au pavillon du Parc "Sohmer" à Montréal.

À partir de 1900, ces projections en plein air ont été également organisées dans des cinémas itinérants en Grèce, une tradition qui s’y poursuit encore de nos jours.


Implantation du cinéma en plein air


Selon le célèbre livre Guinness des records mondiaux, le plus ancien cinéma en plein air, le Sun Pictures Theater en Australie, date de 1916 et est toujours en opération. Berlin revendique aussi d'abriter le premier cinéma en plein air à partir de la même année (1916). Le visionnement de films à l'extérieur était généralement accompagné d'un pianiste car nous étions à l’époque du cinéma muet.


Cinéma en plein air à Berlin en 1916.

En règle générale, les premiers cinémas en plein air à New York, parfois appelés les airdomes, ne se trouvaient pas dans les parcs de la ville, mais dans des terrains vagues ou dans des espaces ouverts dans le haut de Manhattan et du Bronx, ou à Coney Island où les masses de gens se rendaient pour se divertir.


Cinéma en plein air à Brighton Beach, New York, en 1920.

À une époque où les immeubles résidentiels étaient surpeuplés et l'air climatisé n'existait pas, on avait toutes les raisons de s'asseoir à l'extérieur par une belle nuit d'été et voir un film. Mais lorsque l'air climatisé est apparu, les airdomes ont fini par disparaître. Dans les années 1920, l'expérience des airdomes ne pouvait pas compétitionner avec les plaisirs grandioses qu'offraient les nouveaux grands palais de cinéma surtout avec la venue du cinéma parlant en 1927.


Une publicité pour deux "airdomes" de Brooklyn - à Coney Island et Prospect Heights (Brooklyn Daily Eagle)

L'ère du Drive-In

Le cinéma Drive-In (ou le ciné-parc) est inventé à Camden au New Jersey en 1932 par Richard Hollingshead, un magnat de l'industrie chimique et un passionné de cinéma et d'automobile. La mère de Richard Hollingshead, une femme aux proportions généreuses, trouvait les sièges de cinéma inconfortables. À l'époque, la plupart des sièges de cinéma étaient en bois, ce qui était un peu dur pour les fesses lors d'une séance double. Alors, comme tout fils consciencieux, Hollingshead décide d’agir et il invente le cinéma Drive-In.


Il développe son concept de cinéma en plein air à la maison familiale. Il installe un projecteur Kodak de 1928 sur le capot de sa voiture et fixe un drap à des arbres. Le son provient d'une radio placée derrière le drap. Il invite les voisins à tester l'invention dans son entrée pour voir comment les voitures devraient être garées pour ne pas gêner la vue. Hollingshead expérimente son système pendant quelques années en plaçant des blocs de béton en dessous des roues à l'avant de chaque voiture. Il crée également un système de rampes permettant aux voitures de se garer à différentes hauteurs afin que tout le monde puisse voir l'écran.



Les automobiles sont stationnés sur une rampe inclinée.

En 1933, Hollingshead fait breveter son invention et construit le premier ciné-parc à Camden au coût de 30 000 $. Le ciné-parc dispose d'une surface de 1,6 km2 et peut accueillir 400 voitures. L’installation comprend un écran de 3x5 m, et trois haut-parleurs, chacun de 1,5 m de hauteur. L’entrée coûte 0,25 $ par automobile plus un autre quart de dollar par personne assise à l'intérieur de la voiture, avec un montant maximum de 1$ par véhicule.


Le premier ciné-parc à Camden, New-Jersey, 1933.

Par la suite, le concept est commercialisé sous licence par la société Loews Drive-In Theatres. Celle-ci ouvre des ciné-parcs partout aux États-Unis. Juste avant la Deuxième Guerre mondiale, on compte plus de 100 ciné-parcs à la grandeur du pays. C’est vraiment dans les années 1950 que l'implantation des ciné-parcs explose alors que les salles de cinéma connaissent une série de fermetures, l'arrivée de la télévision leur donnant un dur coup.



Les ciné-parcs offraient un divertissement familial à faible coût. On pouvait amener le bébé et tous les enfants et épargner des sous pour une gardienne. On pouvait même y amener le chien.



L’un des facteurs principaux du succès du cinéma en plein air était l'intimité que l'on trouvait dans sa propre voiture. On pouvait fumer, parler et manger librement. On pouvait même s'adonner à ses passions amoureuses d'où la mauvaise réputation que ces endroits développent et le sobriquet de « Passion Pits » que l'on attribua aux ciné-parcs.



Entre 1950 et le début des années 1960, l’âge d'or des ciné-parcs, on dénombre plus de 4 000 ciné-parcs aux États-Unis. Ils sont situés surtout dans des zones rurales ou dans les nouvelles banlieues qui se développent à un rythme effréné. Les travailleurs résidant en banlieue ne veulent pas retourner en ville les soirs et les week-ends et profitent d’un lieu de divertissement tout près. Les ciné-parcs sont principalement envahis par la jeune génération, les baby-boomers, qui carburent aux films de James Dean et d’Elvis.



La technologie évolue au cours des années en particulier au niveau de l'audio. Au début, les haut-parleurs étaient placés au niveau de l'écran avec résultat que le son était bien trop fort pour les premiers rangs et inaudible pour les rangs suivants. C’est RCA qui a développé le petit haut-parleur individuel à la disposition de chaque véhicule avec un réglage individuel du son. Plus tard on diffuse le son du film sur une bande radio AM ou FM.


Système audio extensible avec contrôle de son individuel.

En espérant attirer les clients pendant les mois les plus froids, on a même développé un système de chauffage au propane. Des tubes souterrains ont été installés pour chauffer l'emplacement du client.


Au début des années 1970, on assiste à une baisse marquante dans la fréquentation des ciné-parcs. Pendant la crise pétrolière, les gens ont réduit la taille de leur voiture, ce qui a rendu inconfortable le visionnement de films au Drive-In. De plus, pour vendre le plus grand nombre de billets possible, les studios de cinéma ont décidé de diffuser leurs premiers films uniquement dans les salles intérieures. Pour compenser le manque à gagner, les ciné-parcs délaissent le côté familial et se réorientent vers des films d'exploitation tels que des films d'horreur, de série B, ou des films pour adultes, ce qui entache encore plus leur réputation.


Les ciné-parcs au Québec


Les ciné-parcs sont apparus au Québec une quarantaine d'années plus tard qu’aux États-Unis. Le clergé était tout à fait contre ces lieux de perdition, où des jeunes pouvaient se tripoter sans chaperon sur la banquette arrière de leur voiture. L'Église pesait de tout son poids auprès du premier ministre Duplessis (au pouvoir jusqu'en 1959) pour retarder l’arrivée des ciné-parcs chez nous.


Pour regarder des « vues » en plein air, les Québécois traversaient la frontière américaine pour s’agglutiner dans les Drive-In de Plattsburgh. Ce divertissement était tellement populaire qu'on y diffusait même des films en français et l’on annonçait leur programmation dans les grands journaux d’ici. Chantal Renaud interprétait à l'époque la chanson : Plattsburgh Drive-In Blues (entendre ci-dessous).



Le premier ciné-parc canadien a ouvert en 1946 à Stoney Creek en Ontario. Le Canada anglais, qui n'était pas pris sous le joug de la religion catholique, comptait pas moins de 240 ciné-parcs à la fin des années 70 alors que le Québec n'en avait aucun.


En 1968, une loi autorise enfin l’implantation au Québec des ciné-parcs. Il fallait par contre attendre jusqu’en 1970 pour voir apparaître le tout premier ciné-parc au Québec, situé à Saint-Georges-de-Beauce. Il faut dire que les propriétaires de salles de cinéma au Québec s'opposaient à la venue de la concurrence des ciné-parcs. Lors des premières années d’opération de ces écrans extérieurs, on ne pouvait y présenter que des films destinés à toute la famille.



L’âge d’or des ciné-parcs au Québec se situe dans les années 1970 et 1980. En 1975, la Belle Province compte 28 ciné-parcs et 34 écrans ; 1,6 million de spectateurs les fréquentent. Au début des années 80, on dénombre 44 ciné-parcs et 71 écrans, et en 1984 on enregistre un record de 2,2 millions de spectateurs.


Par la suite, avec l’essor du magnétoscope et l’explosion des clubs vidéo, le déclin des ciné-parcs était inévitable. D'un point de vue économique, il était plus rentable pour les propriétaires de fermer leurs Drive-Ins et de vendre leurs terrains pour construire des centres commerciaux ou des complexes immobiliers. La venue du film numérique en 2013 lorsque les studios cessent de produire des films en 35 millimètres donne le coup fatal aux ciné-parcs, les propriétaires étant obligés d'investir plus de 100 000 $ pour la conversion du projecteur.


En 2019, il ne reste plus qu'environ 300 ciné-parcs aux États-Unis. Au Québec il y en a que 5 (Saint-Eustache, Saint-Hilaire, Orford, Val-Morin, Chandler) fréquentés par des nostalgiques. Le ciné-parc de Saint-Eustache peut toutefois se targuer d’être le plus grand ciné-parc au Canada avec 5 écrans et une capacité d'accueil de 3 300 voitures.


Ciné-parc de Saint-Eustache

Le récent engouement pour le cinéma en plein air n’est pas seulement lié à la pandémie. Bien avant l’arrivée de la COVID-19, les propriétaires de ciné-parcs sentaient un regain d’intérêt pour cette activité à saveur rétro et empreinte de nostalgie.


Ciné-parc de Saint-Hilaire

Le cinéma en plein air en Grèce


Le cinéma de plein air est une véritable tradition, voire une institution, chez les Grecs. Ces cinémas ont été développés à partir des théâtres de la Grèce antique. Athènes et ses environs comptent près de 90 cinémas d'extérieur. Dans les années 60, il y avait 600 cinémas d'été à Athènes, car c'était le loisir urbain par excellence lorsque peu de foyers avaient un téléviseur. Les endroits où se nichent les cinémas sont souvent pittoresques : une petite cour entre deux immeubles, un ancien entrepôt, un jardin. Le décor est simple : des chaises, parfois quelques tables pour boire un verre et picorer des friandises, mais surtout le ciel et les étoiles en toile de fond avec parfois même une vue sur l’Acropole (vivreathenes.com).




Le cinéma en plein air dans les festivals de films


Au début des années 1970, certains festivals de films tels ceux de Venise et de Locarno, commencent à organiser de grandes projections extérieures sur les places publiques. La place Piazza Grande à Locarno peut accueillir 8 000 festivaliers et constitue l’un des plus beaux cinémas à ciel ouvert du monde.


Le place Piazza Grande à Locarno

Au Québec, le Festival des films du monde (FFM) a été pionnier dans le domaine en projetant des films devant la Place des Arts. Le Festival Cinémania emboîte le pas par la suite.


Depuis 2021, le Festival de Cannes propose le Cinéma de la Plage qui s'adresse au grand public. Près de 1 000 transats sont installés sur le sable et les gens débordent debout contre les barrières et les rampes de la promenade. On y retrouve les mêmes conditions techniques qu'au Palais des festivals avec un écran géant de 24 x 6 mètres.



Le cinéma en plein air dans les parcs.


À Montréal, comme un peu partout au Québec et en Amérique du Nord, on organise maintenant des séances de cinéma en plein air dans les parcs. La nouvelle technologie des vidéoprojecteurs et du numérique facilite grandement l'organisation de tels événements.



À Montréal, le Cinéma sous les étoiles, le Ciné-parc Dante, Cinéma plein air du parc des Faubourgs, le Cin’Hoch du Quartier Hochelaga, le Corridor culturel de Griffintown, Le Film Noir du Canal Lachine, le CinéRuelles, le Cinéma Public et le Parcours Gouin sont les principaux lieux de projections en plein air.



Le cinéma en plein air dans les arrière-cours


La pandémie a été l'occasion pour plusieurs de développer des activités pour amuser les enfants. Plusieurs se sont tournés vers le cinéma en plein air dans leur arrière-cour. En fait, on n'a besoin que d'un drap accroché à un mur ou sur une clôture, d'un projecteur et d'un lecteur DVD qu'on peut trouver à bon prix sur Kijiji ou sur eBay, de relier tout cela à de petits haut-parleurs portatifs et le tour est joué.



De plus en plus de personnes organisent des projections en plein air lors de rencontres entre amis au chalet ou lors de rassemblements quelconques. Il est même possible de louer tout l'équipement nécessaire pour le faire.


Cette année nous reprenons dans notre cour arrière « Le Cinéma sous les étoiles » après trois ans d'interruption à cause de la pandémie. Nous souhaitons accueillir cette année une centaine de personnes.


Puisque nous comptions bien en faire une tradition annuelle, nous avons construit en 2019 un écran géant à partir de tuyaux de PVC en collaboration avec notre voisin à l’époque, Claude Simard.



Puis un mobilier a été conçu spécifiquement pour tenir l'évènement.



Enfin. comme tout bon ciné-club, une présentation du film se tient avant la projection et les spectateurs sont conviés à rester après la séance pour une période de questions avec une personnalité surprise.



Je vous invite donc à découvrir ou à redécouvrir le plaisir de regarder un film en plein air, que ce soit dans un parc à Montréal, un ciné-parc en banlieue ou encore mieux chez Barbara et Jean.


Bon cinéma !


Un gros merci à ma conjointe Barbara pour son travail de révision et de correction.






































97 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


© 2023 par SUR LA ROUTE. Créé avec Wix.com

bottom of page