Poor Things : une fable à caractère féministe

30 mars 20244 min de lecture

SUGGESTION DU MOIS D'AVRIL 2024 /

Poor Things (Pauvres créatures) est le seul film qui ait porté ombrage à Oppenheimer, grand gagnant lors des Academy Awards de cette année. Mis en nomination 11 fois, Poor Things a décroché les 4 Oscars reliés à la production artistique (décors, costumes, coiffure et maquillage) ainsi que l'Oscar de la meilleure performance d'une actrice dans un rôle principal, remis à Emma Stone.

Le réalisateur d'origine grec, Yorgos Lanthimos, nous avait offert précédemment deux films tout à fait mémorables : l'étonnant The Lobster (2015) et la comédie noire The Favorite (2018) mettant également en vedette Emma Stone.

« Lanthimos fait partie d'un mouvement cinématographique postmoderne connu sous le nom de "Greek Weird Wave" qui comprend des films à la cinématographie obsédante, aux protagonistes aliénés et aux dialogues absurdes » (Wikipédia).

Poor Things est une coproduction britannico-américaine tirée du roman éponyme paru en 1992 de l'auteur écossais Alasdair Gray.

Bella Baxter (Emma Stone) en compagnie d'une étrange créature issue des expériences de Godwin Baxter.

Le film tourne autour de Bella Baxter, une jeune femme avec un esprit d'enfant interprétée de façon magistrale par Emma Stone. À Londres, le professeur Godwin Baxter (Willem Dafoe), dont on peut faire un parallèle évident avec le docteur Frankenstein, repêche le corps d'une jeune femme noyée et remplace son cerveau par celui de son fœtus toujours vivant. Il invite chez lui l'un de ses étudiants Max McCandles (Ramy Youssef) afin qu’il mesure l'évolution des progrès moteurs et cognitifs de Bella.

Max McCandles (Ramy Youssef) enseignant à Bella.

Bella fait des progrès remarquables et vient de découvrir sa sexualité. Au fil des jours, Max tombe amoureux de Bella et lui demande sa main. Mais avant de s'engager, elle demande à explorer le monde qui l'entoure dans une odyssée émancipatrice, à la découverte d'elle-même.

Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo) courtisant Bella.

Elle part avec un avocat débauché Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo) qui a été embauché pour rédiger le contrat de mariage. Son périple sur un bateau de croisière l'emmène à Lisbonne, à Alexandrie et à Marseille. Tout en expérimentant sa sexualité, elle rencontre d'autres personnes sur le bateau qui lui ouvrent l'esprit à la philosophie. Elle est témoin de la souffrance des peuples et, de passage à Paris, elle s'initie à la prostitution et au socialisme. D’autres aventures l’attendent...

Le film alterne entre le noir et blanc et la couleur selon la période décrite. Nommé pour l'Oscar de la meilleure cinématographie, le cinéaste fait souvent appel à des prises de vues avec une lentille « fisheye », un objectif qui prend des angles extrêmement larges et qui donne une image déformée laquelle se marie bien avec l'étrange histoire racontée dans ce film.

Prise de vue avec une lentille «fisheye »

Les scènes tournées à Lisbonne et à Paris sont particulièrement réussies. La reconstitution des quartiers et la luminosité qui s'y dégage, et l'intégration du fantastique tel les tramways suspendus dans les airs sont tout à fait spectaculaires.

Bella sur un belvedère surplombant la ville de Lisbonne.

La trame sonore presque toujours dissonante amplifie le côté magique et mystérieux du film. À noter aussi le maquillage spectaculaire, notamment les rides et les cicatrices sur le visage du professeur Baxter, qui accentue le côté sinistre du personnage.

Poor Things a remporté le Lion d'or au Festival international du film de Venise en septembre dernier. Depuis, le film a connu un immense succès recevant plus de 400 nominations et remportant 106 prix dans des festivals et événements à travers le monde.

Tourné à Budapest en Hongrie, le film, dont le budget était de 35 millions $ US, a récolté jusqu'à maintenant plus de 115 millions $ US au niveau international. Sur le site Rotten Tomatoes, le film a reçu la note de 92% chez les critiques et de 79 % de la part du public.

Plateau de tournage en Hongrie représentant un quartier de Lisbonne.

Mise en garde

Poor Things est un film tout à fait particulier, à l'image de son réalisateur. On l’aime ou on ne l'aime pas. Il a toutefois le mérite d'être très original, un vrai film d'auteur comme le sont les films de Wes Anderson et de Terry Gilliam. Je tiens à vous aviser que le film comporte de nombreuses scènes explicites et d'expériences chirurgicales sur des corps qui peuvent déplaire à certains spectateurs. Je pense qu’un peu comme Tarentino, il faut passer par-dessus les scènes de violence et de cruauté pour découvrir tout le talent qui se cache derrière l'auteur. Lanthimos, âgé seulement de 50 ans, sera sans doute un réalisateur à surveiller au cours des 20 prochaines années.

Scène de tournage avec Yorgos Lanthimos et Emma Stone.

Le film est toujours à l'affiche au cinéma en version anglaise au Cinéplex Forum à Montréal. Vous pouvez le visionner en version doublée en français sur Illico (canal 900 sur Vidéotron). Il est aussi disponible en version doublée en français sur Cineplex Store et en anglais sur les plates-formes Prime Vidéo et Disney. Voir la bande-annonce.