SUGGESTION DU MOIS : SEPTEMBRE 2020 /
En ces temps de grandes manifestations contre le racisme aux États-Unis et au Canada, je vous suggère ce mois-ci de voir ou de revoir un film sur la discrimination raciale qui a marqué son époque au milieu des années 60. Il est étonnant de constater que la situation tendue entre les gens de couleur et la police n'a pas tellement changé plus de 50 ans après la sortie du film In the Heat of the Night (Dans la chaleur de la nuit).
Le film raconte l'histoire d'un homme noir (Sidney Poitier) qui se fait arrêter la nuit dans une gare d'une petite ville au Mississippi en attente de sa correspondance de train. Le policier le soupçonne immédiatement d'avoir commis le meurtre qui vient de se produire dans la ville tout simplement parce qu'il est noir . Amené au poste, le chef de police Gillespie, interprété magistralement par Rod Steiger (The Pawnbroker, Doctor Zhivago, On the Waterfront), l'accuse à son tour sur le champ du crime sans vérifier son identité laquelle révèle après coup qu'il est lui même policier. Il est détective expert en homicide à Philadelphie. Le chef de police complètement abasourdi par la situation, lui demande de rester pour l'aider à l'enquête. Virgil Tibbs (Poitier) est très réticent à rester au départ, mais découvrira lors de ses recherches toutes sortes d'éléments qui l'incitera à demander au chef de police de lui donner plus de temps pour compléter l'enquête. Pendant ce temps, des supprémacistes blancs tenteront de se débarrasser de cet intrus.
Cet homme noir bien habillé, bien éduqué, s'exprime très bien et grâce à son emploi de policier dispose d'un statut social qui est hors norme pour l'endroit et pour l'époque. Une scène du film en particulier vous étonnera assûrément. Un riche homme d'affaires blanc, lors d'une discussion houleuse avec Mr. Tibbs, le gifle, mais au lieu de se laisser faire ce dernier répond coup pour coup en le giflant 2 fois plus fort, ce qui bien entendu lui attirera éventuellement de gros ennuis. On suivra aussi l'évolution du chef de police qui découvrira la personnalité de Mr. Tibbs et viendra progressivement à changer sa mentalité, entre autres, sur les gens de couleur. Le film se termine donc sur une note d'espoir.
Le film qui semble se dérouler à Sparta au Mississippi a en fait été tourné à Sparta en Illinois. En choissisant une ville du même nom, on a évité de refaire la signalisation de la ville. Sydney Poitier a insisté pour que le film soit tourné dans le nord des États-Unis parce que lui et Harry Bellafonte ont été assaillies et presque tués par des membres du Klu Klux Klan lors d'une précédente visite au Mississippi. Les scènes dans les champs de coton ont toutefois dû être tournées plus au sud dans le Tennessee. On raconte que Sidney Poitier sur place devait dormir avec une arme sous son oreiller et qu'il a reçu des menaces de mort qui ont écourté le tournage dans le Tennessee.
Le film est basé sur le roman policier de John Ball qui porte le même nom et a été publié en 1965. Par la suite, et ce, pendant 20 ans, Ball a rédigé une dizaine de livres qui mettaient en vedette le personnage de Virgil Tibbs.
Le film est réalisé par Norman Jewison, le plus célèbre réalisateur canadien de l'histoire. On lui doit entre autres des succès cinématographiques tels The Russians are Coming ... (1966), The Thomas Crown Affair (1968), Fiddler on the Roof (1971) , Rollerball (1975), And Justice for All (1979), A Soldier's Story (1984), Moonstruck (1987), The Hurricane (1999). Le film a coûté 2 millions $US à produire (un gros budget à l'époque) et a rapporté 14 fois plus (28 millions $US) à l'échelle mondiale.
Le film s'est mérité de nombreux prix dont le prix du meilleur film et du meilleur scénario aux Oscars, aux Golden Globes et aux BAFTA. Rod Steiger a également reçu la statuette pour le meilleur acteur lors de ces 3 importantes cérémonies. Norman Jewison a été nommé pour meilleur directeur mais n'a reçu le prix qu'aux BAFTA. In the Heat of the Night a le mérite d'avoir remporté ces prix devant de très bons films produits au cours de la même année. Bonnie and Clyde (Arthur Penn, Warren Beatty) et The Graduate (Mike Nichols, Dustin Hoffman) partaient favoris et uniquement Mike Nichols a devancé Norman Jewison pour la réalisation. Sidney Poitier, tant qu'à lui, a été nommé seulement aux Golden Globes comme meilleur acteur, malgré le fait qu'il jouait également comme acteur principal dans un autre film dans la même année (Guess Who's Coming to Dinner Devine qui vient diner ce soir). Il faut toutefois se rappeler que Sidney Poitier avait marqué l'histoire en devenant le premier homme noir à remporter un Oscar, soit l'Oscar du meilleur acteur dans Lilies of the Field quatre ans plus tôt, en 1964. Du coté féminin, seule Hattie McDaniel avait remporté un Oscar pour son rôle de soutien dans Gone with the Wind en 1940. Il faudra attendre plus de 60 ans avant que Halle Berri ne remporte un autre Oscar comme meilleure actrice dans Monster's Ball (2002) et 38 ans avant qu'un autre homme noir, Denzel Washington, ne décroche un Oscar de meilleur acteur dans Training Day (2002).
À noter que la présentation des Oscars en 1968 se déroula dans un climat de tension raciale tout à fait particulier. En effet, la cérémonie des Oscars qui devaient avoir lieu le 6 avril fût retardée de 2 jours suite à l'assassinat de Martin Luther King Jr le 4 avril 1968. Deux vidéos de la remise du prix du meilleur film et de la remise du prix du meilleur acteur sont disponibles sur Youtube. On peut y voir Bob Hope comme maître de cérémonie et les magnifiques Julie Andrews et Audrey Hepburn comme présentatrices.
L'American Film Institute a classé In the Heat of the Night au 75e rang des meilleurs films américains de tous les temps. Il a aussi classé la citation de Sidney Poitier « They call me Mister Tibbs! » au 16e rang des plus célèbres citations prononcées dans les films américains. Le site Rotten Tomatoes lui a attribué la note de 95%.
La Filmothèque des voisins dispose d'une copie DVD du film qui offre le film en version doublée en français ou en version anglaise sous-titrée en français. La filmothèque dispose aussi de quelques autres films de Norman Jewison: Un violon sur le toit, Rollerball, Moonstruck et The Hurricane. N'hésitez pas à les emprunter.
514 745-8782
Finalement comme anecdote, il est à noter que, étonnamment, le réalisateur Norman Jewison n'est pas de religion juive malgré la consonnance de son nom et le fait qu'il a réalisé le film Fiddler on the Roof. Il a en effet grandi dans une famille protestante à Toronto.
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