C'est ainsi que s'est exprimé le comédien Rémy Girard après avoir pris connaissance du communiqué de Radio-Canada du 25 octobre dernier annonçant la fin de la télédiffusion du Gala Québec Cinéma, lequel aurait fêté son 25e anniversaire l'an prochain. « Ma toast a passé de travers ce matin en lisant le journal », a avoué Girard, lui qui a animé à deux reprises le gala. « C'est le mandat de Radio-Canada de diffuser ce genre de gala, les cotes d'écoute n'ont rien à faire là-dedans... c'est totalement ridicule ».
Radio-Canada, qui diffusait le gala depuis 2003, a justement expliqué sa décision par la diminution des cotes d'écoute qui sont passées de 720 000 en 2018 à 468 000 en 2022. Il faut dire que cette diminution n'a rien d'étonnant, puisque depuis 2019 Radio-Canada a relégué la remise des prix de la mi-février au début juin, lorsque les gens sont plus intéressés à souper sur leur terrasse qu'à regarder un gala télévisé. De plus, contrairement à d'autres galas, la plupart des gens n'ont même pas eu la chance de voir les nommés, puisque très peu de films québécois demeurent longtemps en salle. Dans les régions, ces films ne sont souvent même pas présentés.
Radio-Canada a émis des propositions de remplacer le gala par une émission spéciale de variété et d'entrevues, et de célébrer le cinéma via l'émission Bonsoir bonsoir animée par Jean-Philippe Wauthier. « Nous en sommes venus à la conclusion que d'autres stratégies peuvent nous permettre d'accroître plus efficacement la visibilité des films et des artistes du cinéma d'ici». Mais peut-on vraiment se fier à Radio-Canada, quand on sait qu'il ne fait place à presque aucun film québécois au sein de sa programmation, même sur ARTV qui est pourtant une chaîne dédiée à la culture.
Cette décision a été décriée par divers groupes, dont le Regroupement des distributeurs indépendants de films (RDFIQ) et bien entendu Québec Cinéma, l’organisme qui chapeaute le gala. En fait, le torchon brûle entre Québec Cinéma et Radio-Canada, car les 2 partenaires ne s'entendent pas sur la formule du gala. Radio-Canada veut en faire un spectacle de variétés populaires, divertissant et accessible, alors que Québec Cinéma y voit une vitrine plus pointue pour exposer le travail de ses artisans. Pour Radio-Canada, «Faire un gala pour l’industrie et faire un show de variétés qui veut rejoindre le plus de monde, ça nous amène à faire des compromis qui finit par faire un show beige » (Dany Meloul, directrice générale de la télévision de Radio-Canada).
Il faut admettre que le gala Québec Cinéma n'a jamais pris son envol et a presque toujours eu mauvaise presse. Le public le trouvait généralement ennuyant et les artistes le trouvaient même gênant à cause de la pauvreté des textes, et des animateurs qui n'arrivaient pas à rendre le gala dynamique et intéressant. Pas moins de 16 animateurs et animatrices se sont succédé.e.s au cours des 20 dernières années, et la plupart du temps se sont cassés le nez. Pendant ce temps, les galas de l'ADISQ et des Gémeaux se sont démarqués par l'excellence de leurs animateur et animatrice. Louis-Josée Houde anime le gala de l'ADISQ avec brio depuis 17 ans alors que Véronique Cloutier a animé les Gémeaux à 9 reprises depuis 2008.
Les animateurs-animatrices du Gala Québec Cinéma (anciennement La soirée des Jutra) :
Rémy Girard (1999)
Yves Jacques et Élise Guilbault (2000,2001)
Sylvie Moreau (2002 - 2004)
Patrick Huard (2005)
Le gala Québec Cinéma se nommait à ses débuts la soirée des Jutras, en hommage au célèbre réalisateur québécois décédé en 1986. Toutefois, à la suite d’allégations d'agression sexuelles révélées en 2016, Québec Cinéma décide à la toute dernière minute de retirer le nom de Jutra et le Gala est rebaptisé provisoirement « Gala du cinéma québécois ». Quelques mois plus tard, le gala est officiellement renommé « Gala Québec Cinéma » et les prix sont renommés les « Iris ».
D'autres artistes se sont portés à la défense du gala, dont la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette et l'instigateur du gala, le producteur Roger Frappier. Le nouveau ministre de la Culture et des Communications du Québec Mathieu Lacombe a également déclaré cette décision d'inacceptable. « Je m’explique mal la décision de Radio-Canada. C’est beaucoup plus qu’un gala qui vient d’être débranché, c’est aussi toute une infrastructure autour de la mise en valeur de nos films qui est mise en péril ». Le Québec par le biais de la SODEC a subventionné le Gala Québec Cinéma 2022 en octroyant près de
200 000 $.
Malgré que ce gala fût loin de faire l'unanimité, il représentait une vitrine importante pour le cinéma québécois. « Tous les pays qui ont un cinéma national offrent des galas pour célébrer leur production cinématographique, leurs vedettes et leurs créateurs » (Distributeur K-Films Amérique).
Pour ceux et celles voulant protester contre cette décision, vous pouvez vous joindre à moi et envoyer un message aux Relations avec l’auditoire de Radio-Canada.
Bon cinéma !
Un gros merci à ma conjointe Barbara pour son travail de révision et de correction.
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