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Samedi soir dernier la Palme d'or 2023 a été remise à la réalisatrice française Justine Briet pour son drame judiciaire Anatomie d'une chute (voir un extrait). Il s'agit seulement de la troisième fois que le prix ultime du Festival de Cannes soit attribué à une femme (Jane Campion l’a reçu pour La Leçon de piano en 1993 et Julia Ducournau pour Titane en 2021). C'est Jane Fonda qui a eu l'honneur de remettre le prix à Mme Briet soulignant le chemin parcouru, car cette année 7 réalisatrices étaient nommées en compétition officielle. Dans son discours de remerciement, Justine Briet a dénoncé de façon virulente la réforme des retraites dont « la contestation a été niée et réprimée de façon choquante ». Elle s'est aussi attaquée à la marchandisation de la culture en France et aux nouvelles politiques culturelles du gouvernement français.
Le réalisateur suédois Ruben Östlund, qui a gagné la Palme d'or l'an passé pour son film Triangle of Sadness, a présidé le jury de cette 76e édition. Le jury comprenait également plusieurs personnalités connues, dont l'actrice américaine Brie Larson (Room), l'acteur américain Paul Dano (The Fabelmans), l'acteur français Denis Menochet (Chien Blanc) et la réalisatrice française Julia Ducourneau (Titane).
Anatomie d'une chute raconte l'histoire d'une famille composée des parents Samuel et Sandra et de leur fils malvoyant Daniel âgé de 11 ans. Ils vivent dans un chalet isolé à la montagne. Un jour le père Samuel est retrouvé mort dans la neige et l'enquête conclut à une « mort suspecte », car il est impossible de savoir avec certitude s'il s'est suicidé ou s'il a été tué. Le jeune Daniel, traumatisé par la mort de son père, doit suivre le procès inculpant sa mère.
Grand prix du jury
Le deuxième prix en importance a été attribué à The Zone of Interest du réalisateur britannique Jonathan Glazer. Ce réalisateur ne laisse personne indifférent. Son film précédent Under The Skin mettant en vedette Scarlett Johansson avait été encensé par la critique. Dans The Zone of Interest « le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp » (Allociné). À noter, Sandra Huller tient le premier rôle dans le film, tout comme dans Anatomie d’une chute. The Zone of Interest a aussi reçu le prix de la Fédération internationale de la presse cinématographique (Fipresci).
Prix du Jury
Le prix du Jury, qui correspond au coup de cœur du jury, a été octroyé aux Feuilles mortes (voir bande-annonce) du réalisateur Aki Kaurismäki. Un habitué du Festival de Cannes, ce dernier avait déjà remporté le Grand Prix du Jury en 2002 pour L'Homme sans passé. « À Helsinki, deux êtres n’ayant jamais connu l’amour se rencontrent et se persuadent qu’ils sont faits l’un pour l’autre, sans trop se poser de questions » (Luc Perreault, La Presse).
Prix de la réalisation
Le franco-vietnamien Tran Anh Hùng est lauréat du Prix du réalisateur avec son film La Passion de Dodin Bouffant qui met en vedette Juliette Binoche et Benoît Magimel. « À la fin du 19e siècle, la relation amoureuse et professionnelle entre une cuisinière et son patron, gastronome de renommée mondiale » (Média Film).
Prix du scénario
La cinéaste Hirokazu Kore-eda, récipiendaire de la Palme d’or en 2018 pour le film Une histoire de famille, cette fois-ci a été récompensé par le prix du Scénario (écrit par Yuji Sakamoto) pour son film Monster (voir un extrait). « L'histoire du film porte sur un enfant victime de harcèlement dont le comportement soudainement différent interpelle puis inquiète sa mère » (Le Figaro). Le cinéaste Kore-eda a également reçu pour ce film le Queer Palm décerné à un film pour son traitement de sujets LGBT+.
Prix d'interprétation féminine
Le Festival a récompensé l'actrice turque Merve Dizdar pour son interprétation dans le film Les Herbes Sèches (voir bande-annonce) du réalisateur Nuri Bilge Ceylan. « Elle y joue une professeure d'anglais dans un collège à Anatolie. Samet, un jeune enseignant qui attend depuis plusieurs années sa mutation à Istanbul, tombe amoureux d'elle et retrouve espoir dans la vie » (site Web du Festival de Cannes). À noter, le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan a été récipiendaire de la Palme d’or en 2015 pour Winter Sleep. Il a aussi remporté 2 fois le Grand prix du Jury, pour Uzak en 2003 et Il était une fois en Anatolie en 2011.
Prix d'interprétation masculine
Ce prix a été octroyé à l'acteur japonais Koji Yakusho qui joue le rôle principal dans le film Perfect Days (voir bande-annonce) de Wim Wenders. « Il y interprète un employé des toilettes de Tokyo qui s’épanouit dans une vie simple, et un quotidien très structuré. Il entretient une passion pour la musique, les livres, et les arbres qu’il aime photographier. Une réflexion émouvante et poétique sur la recherche de la beauté dans le quotidien » (site Web du Festival de Cannes). Le réalisateur émérite allemand Wim Wenders avait déjà reçu la Palme d'or en 1984 pour Paris Texas, le prix du meilleur réalisateur en 1987 pour Les Ailes du désir ainsi que le Grand Prix en 1993 pour Si loin, si proche.
Prix de la Caméra d'or.
Ce prix récompense le meilleur premier film de toutes les sections du Festival. Il a été accordé cette année au réalisateur vietnamien Thien Am Pham pour son film l'Arbre aux papillons d'or projeté à la Quinzaine des cinéastes. « Un road trip qui suit le périple d'un jeune homme chargé de récupérer le corps de sa belle-sœur décédée à Saïgon d'un accident de moto » (Le Figaro).
Prix Un certain regard
La cinéaste britannique Molly Manning Walker s'est vu remettre le premier prix de cette section pour son film How to Have Sex. Présidé par l'acteur américain John C. Reilly, le jury de cette section a couronné ce long-métrage qui raconte l’histoire d’une fête arrosée d'alcool et surtout d’une agression sexuelle. Le film aborde les questions graves entourant le consentement et le viol.
Présence québécoise à Cannes.
Le film Simple comme Sylvain (voir un extrait) de Monia Chokri était en compétition dans la section Un Certain Regard. Chokri n'a malheureusement pas remporté de prix malgré le fait que son film a obtenu de très bonnes critiques. La distribution comprend Magalie Lépine-Blondeau et Pierre-Yves Cardinal. « Mariée depuis 10 ans, une professeure de philosophie de Montréal vit une passion brûlante avec l'entrepreneur qui rénove le chalet du couple dans les Laurentides » (Média Film).
Palm Dog
Enfin, l'un de mes prix préférés, le Palm Dog est remis à la meilleure performance canine dans un film présenté au Festival de Cannes. Cette année il a été décerné à Messi qui joue le chien guide de l'enfant malvoyant dans Anatomie d'une chute, gagnant de la Palme d'or. Le Border collie dans son rôle de Snoop a « subjugué le jury par une véritable performance cinématographique canine, notamment lors d'une scène dramatique dans laquelle il a simulé la maladie de manière très convaincante » (Le Figaro).
De manière générale l'édition 2023 du Festival de Cannes a présenté une compétition très relevée et les journalistes ont applaudi le palmarès décerné. À leurs avis toutefois, quelques films auraient mérité au moins une mention. On peut penser à La Chimera (voir un extrait) de la réalisatrice italienne Alice Rohrwacher, à L'été dernier (voir un extrait) de la réalisatrice française Catherine Breillat, à Jeunesse (voir la bande-annonce) du cinéaste chinois Wang Bing et à la performance de Julian Moore dans le film May December (voir un extrait) de Todd Haynes. De grands réalisateurs comme Marco Bellocchio avec L’enlèvement (voir la bande-annonce), Nanni Moretti avec Vers un avenir radieux (voir la bande-annonce), Wes Anderson avec Asteroid City (voir la bande-annonce) et Ken Loach avec The Old Oak (voir un extrait) sont repartis également les mains vides.
La plupart de ces films devraient être présentés en salle au Québec au cours de la prochaine année. Malheureusement, par contre, ces films ne resteront probablement pas longtemps à l’affiche. Soyez donc vigilant.
Bon cinéma !
Un gros merci à ma conjointe Barbara pour son travail de révision et de correction.
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